L'URSS
de Staline

Stakhanov,
mineur modèle
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et pourtant...

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Développer
l'industrie, industrialiser le pays grâce à l'accumulation
interne . Mais où trouve-t-on les sources principales de
cette accumulation ? Ces sources sont au nombre de deux: la première
est la classe ouvrière qui crée la valeur et développe
l'industrie, la seconde est la paysannerie.
Les paysans versent à l'État les impôts directs
et indirects et ils paient à nouveau des prix élevés
sur les produits de l'industrie, en outre ils perdent sur les prix
des produits agricoles.
Il existe un impôt supplémentaire pour la paysannerie
dans l'intérêt du développement de l'industrie,
c'est une sorte de tribut, une sorte d'impôt en plus, que
nous sommes obligés de lever temporairement afin de maintenir
et d'élever le rythme actuel du développement industriel.
STALINE,
Discours au Comité central du P.C.U.S., 9 juillet 1928. |
Ce n'étaient
pas des koulaks; ils ne possédaient que deux chevaux, une
vache, un porc et quelques poulets, c'est-à-dire ce que
tout le monde avait par chez nous [... ]. Seulement, Vorvan ne
voulait pas adhérer au collectivisme. On avait beau l'y
pousser continuellement, il faisait la sourde oreille.
Alors, on lui prit tout ce qui lui restait de grain et on le menaça.
Peine perdue : " C'est ma terre, répétait-il,
mes animaux et ma maison à moi; je ne les donnerai pas
au Gouvernement." Alors, il vint des gens de la ville - de
ces gens qui ont pour mission de chasser les honnêtes paysans
de leurs foyers. Ils dressèrent l'inventaire de ce que
possédait Vorvan et le dépouillèrent de tout,
jusqu'à la dernière marmite, jusqu'à la dernière
serviette; son matériel agricole et son cheptel furent
attribués à la ferme coopérative.
Quant à Vorvan, on déclara que c'était un
koulak et un agent des koulaks; le soir, on vint l'arrêter.
Oùest maintenant ce pauvre Vorvan, Dieu seul le sait.
V.A. Kravchenko, J'ai choisi la liberté,
1947.
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Après
la dékoulakisation, les surfaces emblavées avaient
considérablement diminué et le rendement était
bas. Naturellement, on ne pouvait pas faire les livraisons requises
(par le Plan) Où l'aurait-on prise, cette mer de blé
kolkhozien ? C'est donc que l'on cachait le blé!... On donna
l'ordre de saisir tout le fonds de semences. On cherchait partout
le grain... On creusait le sol des caves... On cherchait jusque
dans les lessiveuses. A partir de l'automne (les paysans) se sont
nourris de pommes de terre (mais) ils sont vite arrivés au
bout de leurs réserves. Vers la Noël, ils ont commencé
à tuer les bêtes. Mais elles n'avaient plus que la
peau et les os
Surtout il n'y avait pas de pain. On leur avait pris leur blé
jusqu'au dernier grain. Dans les villes on donnait aux ouvriers
qui, eux, avaient une carte d'alimentation, 800 grammes de pain
Mais pour les enfants des paysans, pas 1 gramme... Quand la neige
a commencé à fondre, (on) s'est enfoncé jusqu'au
cou dans la famine Les gens se sont mis à enfler l'oedème
de la faim... Ils avaient le visage bouffi, les jambes gonflées,
le ventre plein d'eau... (les) enfants avaient un visage vieillot,
tourmenté... les os des bras et des jambes qui percent sous
la peau Et leurs yeux, Seigneur! Camarade Staline, par Dieu, ces
yeux d'enfants, les as-tu vus ?...
V.
GROSSMAN. Tout passe. |
La
première étape de la collectivisation débute
en octobre 1929 lorsque la part des terres collectivisées
n'atteint alors que 4 % de la paysannerie. En janvier:1930, là
proportion est déjà passée à 2:1 %,
et elle s'élève à 58 % dès le mois de
mars 1930. [ ... ] En 1932, les quelque 25 millions de petites propriétés
rurales sont remplacées par 240 000 kolkhozes et 4 000 sovkhozes.
[ ... ]
L'exploitation individuelle disparaissait. Le brassage de population
dû aux déportations avait été tel qu'aucune
reconstitution des villages et de leurs populations n'était
plus possible. [ ... ]
Mais le coût le plus dramatique fut mesuré en termes
humains. Il est cependant difficile d'évaluer avec exactitude
le nombre de personnes liquidées pendant la collectivisation.
[ ... ] On peut considérer que le nombre de victimes directes
doit être compris dans une fourchette de 5 à 10 millions
d'individus .
L'autre grand aspect de la transformation de l'économie soviétique
se déroula en milieu urbain. Ce fut l'effet de l'industrialisation.
Elle se marqua d'abord par une mutation sociale spectaculaire puisque
la classe ouvrière passa de Il millions en 1928 à
33 millions en 1932 et ne cessera pas de crcoitre par la suite.
[ ... ]
Toute la réussite tient dans l'abondance de la main-d'oeuvre
issue de la déportation et des recrutements forcés,
dans sa docilité et son faible coût de revient. S'ajoute
à cela la construction de voies de communication nouvelles
couvrant tout le territoire et reliant les nouveaux centres industriels.
Entre 1929 et 1933, la production soviétique augmente ainsi
de 250 %.
H.
Carrère d' Encausse, l'URSS de la révolution à
la mort de Staline, 1993 |
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